Note technique 05 pour la Commission Torossian/Villani
Image des maths – Le débat
du 18 : Décembre 2017.
CQFD :
Libérez-nous de
l’évaluation, de la gouvernance, du management,
…
et de tous les enfants légitimes de la technocratie
Michel
Delord / 18 décembre 2017
C - 1997 : Roger Fauroux
* *
I) Artisanal ou industriel?
J’ai
connu d’abord comme élève entre 1956 et 1967 puis comme professeur au début des
années 70 une époque de l’enseignement, époque
qui était d’ailleurs sur sa fin, dans laquelle « on ne pilotait pas le
système éducatif » on ne parlait ni de management ni de gouvernance ni
d’évaluations et dans laquelle aucun chef d’établissement ou directeur d’école n’aurait
eu l’idée de faire intervenir le taux de passage dans la classe supérieure,
taux local départemental ou national, pour savoir si l’élève X de CE1 devait
passer directement en CM1, aller en CE2 ou redoubler.
Comment
décidait-on ? L’instituteur qui n’avait pas besoin de regarder les notes
de l’élève X, d’ailleurs assez peu
nombreuses, disait : « Il
doit sauter une classe car il va s’ennuyer en CE2 », « Il doit passer dans la classe supérieure »
ou « Il doit redoubler car il
ne pourra pas suivre avec profit les cours de CE2 ». J’ai encore
vu quelques conséquences de cette attitude en conseil de classe quand j’étais
jeune professeur car ceux qui avaient les avis les plus pertinents sur les élèves étaient
ceux qui ne regardaient pas leurs cahiers de notes, ce qui était plus facile que
maintenant car les profs avaient individuellement moins d’élèves (en gros classes
de 20 au lieu de 30) et pour un temps plus long (j’ai fini à 3H par classe de
sixième alors que j’avais le double au début de ma carrière).
Je
tiens également à préciser que contrairement à ce qu’on croit, on avait très
peu de notes, seulement pour les compositions:
-
en primaire j’avais une note par mois et par matière (je suis arrivé en
primaire à la fin du « cahier mensuel », qui était le cahier dans
lequel il n’y avait que les compositions)
-
au lycée, on n’avait qu’une note par trimestre, soit trois notes par an et par
matière
Et
qui plus est, il existait un texte du RLR (Recueil des Lois et Règlements) dont
je ne me rappelle pas l’énoncé exact qui disait que l’on ne pouvait pas
opposer l’argument de la moyenne à
l’avis de l’enseignant sur le passage dans la classe supérieure.
Mais
ce système a été considéré comme possiblement injuste et l’on a introduit sous
le nom de « contrôle continu » la prolifération galopante des notes,
qui n’est donc pas une caractéristique
de l’ancienne école mais de celle des réformes d’après 68. Son défaut n’a pas
seulement été de favoriser le « travailler pour la note » mais aussi de parcellariser la connaissance
puisque l’on a ainsi encouragé la tendance à ne poser au nouveau contrôle que
des questions qui portent sur ce qui a été étudié depuis le contrôle précédent.
Et
quant au rôle des statistiques dans la gouvernance de l’éducation nationale, la
partie II - Petite histoire du niveau qui
monte – en donne un résumé qui n’est certes pas très avantageux pour les
organismes officiels d’évaluation mais qui aurait pu être beaucoup plus sévère mais
tout aussi argumenté si j’avais eu plus de temps pour rédiger.
Concluons par une remarque : les métiers de
mathématicien et d’enseignant sont des métiers d’artisan et en ce sens leurs fonctions profondes ne sont pas la réalisation de produits de grandes séries standardisées*.
Or l’évolution dont je décris supra quelques aspects est une véritable
industrialisation – souhaitée – de l’enseignement. Tant que l’enseignant sera
sommé de passer plus de temps à évaluer qu’à enseigner et tant que l’on considérera que l’on peut remplacer « l’avis de l’enseignant qui connait ses
élèves et les disciplines qu’il doit enseigner » par des analyses statistiques
et des logiciels optimisés par
l’utilisation de datas encore plus big que les datas précédentes, on optimisera la dégradation
des restes de rationalité que possède encore l’enseignement.
*A propos des « grandes séries standardisées » : Sans
aucune exagération on peut dire que
l’offre pédagogique simule de plus en plus les grandes surfaces dans
lesquelles le client professeur fait le
tour des rayons pour trouver diverses
activités qui lui permettant d’introduire,
sans aucun préalable mathématique puisqu’il n’y en a pas en rayons, qui
les décimaux, qui la proportionnalité, qui les parallélogrammes … En répétant régulièrement cette pratique, on
peut arriver au but suprême : remplir
l’esprit de l’enfant d’un amas hétéroclite de conceptions sans aucune
organisation qui lui rendent odieux dans l’immédiat et à long terme tout ce qui
se présente comme mathématique.
II) Petite histoire du niveau qui monte
A - 1972 : Louis Legrand
B - 1995-1996 : Claude Thélot et le certificat d’études primaires
C - 1997 : Roger Fauroux
D –Lectures complémentaires
E – Confiance ?
A - 1972 : Louis Legrand
B - 1995-1996 : Claude Thélot et le certificat d’études primaires
C - 1997 : Roger Fauroux
D –Lectures complémentaires
E – Confiance ?
[Parties A B C D ] sur http://micheldelord.info/nt-05.pdf
Partie E : – Confiance ?
Le
ministre insiste beaucoup sur « la confiance » : il explique
qu’il a confiance dans tous les acteurs de l’éducation et qu’il souhaite que
les enseignants aient confiance dans leur hiérarchie et en eux-mêmes.
Ce
dernier point me semble important mais comme on vient de le voir tous les
appareils chargés de l’évaluation ont pendant quasiment 50 ans passé
leur énergie et leur temps à montrer aux enseignants qu’ils ne devaient pas avoir confiance en leur
jugement et qu’ils devaient au contraire suivre les positions de manipulateurs
statistiques qui les contredisaient systématiquement. Or si le ministre a
confiance en tous les acteurs de l’enseignement, il a donc – malheureusement ?–
confiance dans le CNESCO et la DEPP.
Que doit-il faire s’il veut que ceux qui connaissent les élèves, c'est-à-dire les enseignants, aient confiance dans leur ministre ? Et encore plus important, puisque les ministres passent, que peut-il faire pour que ces mêmes enseignants aient confiance dans leurs hiérarchies pédagogiques et administratives, qu’ils voient beaucoup plus souvent que leur ministre et dont on ne peut pas dire qu’elles ont montré des capacités critiques exacerbées par rapport à leurs propres supérieurs?
Cabanac,
le 17/12/2017
Michel
Delord
TEXTE COMPLET : http://micheldelord.info/nt-05.pdf
* * *
LECTURES COMPLÉMENTAIRES
LECTURES COMPLÉMENTAIRES
(sur « le niveau », le CEP, les statistiques, PISA, Le modèle de Rasch, etc.)
1996
– Connaissances en français et en calcul
des élèves des années 20 et d’aujourd’hui
2003
– MD – Commentaires sur
l'étude de la DEP de 1996
2003
– MD – Et propter vitam,
vivendi perdere causas
Oct.
2005 – MD – Programmes de mathématiques de
la scolarité obligatoire : Quelques conceptions historiques
Exposé
au Colloque Franco-Finlandais « L’enseignement
des mathématiques à partir de PISA »,
27/02/2014
– MD – Vaccination
contre le PISA-Choc
27/04/2014
– MD – PISA
: L'exception française
30/04/2014
– Luc Cédelle - Doutes
sur PISA dans la presse internationale
07/05/2014 – MD – PISA
: L'exception française confirmée
2014
– PISA : Lettre
ouverte au Dr. Schleicher, OCDE, Paris.
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