Le
rapport Torossian Villani,
nième
variante aggravée d’une agitation vaine et sans principes ?
APERITIF :
Des questions qui ne se posent pas
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Depuis
40 ans, tous les rapports officiels – le dernier compris – recommandent la
mise en avant de la résolution de problèmes et la pratique du calcul mental.
Depuis
40 ans, le niveau des élèves en résolution de problèmes et en calcul mental
baisse.
Depuis
40 ans, aucune position (semi-)officielle ne remarque ce parallélisme et
aucun média n’a le mauvais goût de l’évoquer face à un ministre.
Il
serait pourtant judicieux de s’intéresser au sujet, en posant des questions
qui ne se posent pas, comme
-
Centrer l’enseignement sur le calcul mental et/ou la résolution de problèmes
est-il une erreur? Si oui, quelles en sont les conséquences ?
-
Y-a-t-il un lien entre la baisse constatée - et organisée ? - du niveau
de maitrise des opérations posées et cette mise en avant du calcul mental ?
-
Qu’enseigne-t-on sous le nom de calcul mental ? Si ce n’est pas du
calcul mental, quel est l’effet produit ?
-
La mise en avant de la résolution de problèmes ne risque-t-elle pas d’entrainer, de manière accidentelle ou
systémique, une sous-estimation du rôle positif des cours, qu’ils soient
dialogués, magistraux ou d’autres natures?
-
« S’il y a des cours », les élèves doivent-ils avoir un
« cahier de cours » ? Si oui, doit-il contenir « des
définitions et des propriétés » ou seulement des « traces
écrites des définitions et des propriétés »?
Si ces questions vous intéressent
le texte infra n’y répondra pas obligatoirement mais donnera de sérieux
éléments pour y réfléchir.
Essayer de poser des bonnes
questions avant de donner des réponses douteuses ?
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Le
rapport Torossian Villani, nième variante aggravée d’une agitation
vaine et sans principes
Principale
réforme depuis les années 1880, la réforme des maths modernes pour le primaire,
négation de la méthode intuitive et de « l’arithmétique scolaire » chères à Ferdinand Buisson, s’est révélé très
tôt être un échec. À partir de
1975/1980, on passe de la période des maths modernes, période « d’illusion
langagière » selon la terminologie chère au mathématicien et pédagogue Rudolf
Bkouche, à un système de pensée que le même appelle
« activisme pédagogique » [1].
Cet activisme considère, au nom du
concret, que toute forme de réflexion systématique et de formalisation, toute
forme de recherche de cohérence est une
rechute vers le formalisme contre intuitif des maths modernes. S’il est
vrai que toute rationalisation peut dégénérer en pensée formelle aussi stérile
que creuse– et les maths modernes en sont un exemple –, il est faux d’affirmer que
toute forme de réflexion systématique et de formalisation prendra
obligatoirement cette voie. L’admettre serait nier l’existence même des
mathématiques dont on peut difficilement dire qu’elles ne nécessitent pas une
certaine dose de cohérence et de réflexion organisée et organisatrice (à tous
les niveaux même si elles ne sont pas « identiques » à chaque niveau).
Théoriquement, « l’activisme
pédagogique » tend à négliger la nécessité de cohérence des contenus enseignés et
sa persistance cumulative rend de plus en plus impossible l’accès à toute forme
de rationalité. Pratiquement la
domination de cette tendance revient à lancer systématiquement les élèves dans
des activités diverses et variées sans souci de rattacher ces activités à une
pensée systématisée.
En ce sens, le
rapport Torossian/ Villani est bien « la nième variante aggravée
d’une agitation vaine et sans principes ». Ce n’est qu’une des plus récentes expressions d’un courant pédagogique
quarantenaire aux effets néfastes : on trouvera en [Note2] quelques textes
de références de ce courant de pensée.
Globalement,
on peut me dire : « l’analyse
que vous défendez est partielle », « la majorité de vos affirmations ne sont pas argumentées » ou « vous oubliez le rôle de la Chine »…
C’est vrai et d’autant plus gênant que le rôle de la Chine est bien loin d’être
négligeable dans la perspective qui nous intéresse. Mais il est impossible
d’agir autrement dans un texte aussi court et lorsque l’on traite supra en vingt lignes l’évolution de
l’enseignement des mathématiques de 1880
à nos jours. Mais s’il y a des points
obscurs, on peut toujours me demander des éclaircissements...
La
question des « programmes »
ou La question des programmes
Dans les sept parties qui
suivent cette introduction, on se contentera, pour diverses raisons, de commencer l’analyse des 21 mesures du
rapport et de leurs conséquences en se limitant à celles qui correspondent à la
partie initiale de l’enseignement primaire, « cohérence verticale »
oblige.
Pour ce faire, il n’est
pas inutile de revenir d’abord sur une question qui joue directement ou
indirectement, explicitement ou implicitement un rôle essentiel dans le
contenu, l’argumentation et les conséquences « pratiques »du
rapport : il s’agit de la question
des « programmes ».
Entendue au sens étroit –
sans les guillemets –, c’est déjà
une question fondamentale puisque la référence mondiale en évaluation qu’est
TIMSS considère, à la suite d’une importante enquête internationale, que [3]
« la
qualité des programmes est le facteur
qui joue le rôle central dans la qualité d’un système scolaire : Ce qui
importe est le programme : on ne récolte que ce que l'on a semé ».
Le
rajout de guillemets à « programmes » ne diminue pas
l’importance accordé à ceux-ci ; il signifie que la matière correspondant à cette « question
des programmes » ne s’y limite pas ; elle couvre tout ce qui concerne
les contenus disciplinaires et les progressions. En ce sens, c'est-à-dire si
l’on ne commence pas par séparer pas la question des programmes de celles des
progressions, on doit souligner ici l’importance de deux formes
d’interdisciplinarité – qui sont
fondamentalement des problèmes de cohérence – que sont
-
l’interdisciplinarité classique « horizontale » entre matières et entre divers éléments d’une même matière (la
cohérence calcul/ géométrie est fondamentale)
-
« l’interdisciplinarité verticale » qui
s’intéresse à la cohérence des progressions (y compris à « la cohérence des
changements de cohérence »)
Méthodologie
et calendrier
Le texte « Le rapport
Torossian/Villani lave-t-il plus blanc » dont vous lisez actuellement
l’introduction comprend sept parties qui paraitront à un rythme globalement
hebdomadaire :
Partie
I) Une fois de plus, de l’importance fondamentale des progressions et des
contenus disciplinaires
Partie
II) Torossian et Villani lavent plus blanc : la question des programmes
Partie
III) Torossian et Villani lavent plus blanc : « l’hypothèse de l’effet
cumulatif »
Partie
IV) Torossian et Villani lavent moins blanc : la vengeance des programmes
Partie
V) Le niveau monte et descend, à la fois
Partie
VI) La peur panique du « par-cœur » : tables de multiplication et pratique de la division
Partie
VII) On aurait pu être beaucoup plus
bref : ce rapport commençait très mal…
La partie I de ce texte
sera publiée avec l’introduction et présentera la question des « programmes »
au sens large, c'est-à-dire celle des contenus disciplinaires et des
progressions sans s’intéresser aux 21 mesures du rapport Torossian/Villani. La
critique – partielle – des 21 mesures occupera les parties II à VII de ce texte et paraitront ultérieurement.
Pour éviter autant que
faire se peut les malentendus, je voudrais rappeler la méthodologie et la
problématique qui sous-tendent ce
texte. On peut considérer, et c’est
d’autant plus vrai en France, que la principale rupture dans l’enseignement
primaire depuis les 20 dernières années du
XIXe siècle jusqu’à nos jours est la réforme des maths
modernes qui a introduit de nombreux changements fondamentaux reconnus comme
tels aussi bien par ceux qui les approuvent que par ceux qui les combattent.
Il
est donc logique, pour donner un cadre à l’analyse de ces réformes, de commencer par faire ce qui n’a pas été
fait (et encore moins systématiquement
fait)
-
lister avec précision les principales
questions qui sont l’objet de ruptures fondamentales au tournant des années
60/70,
-
examiner toujours avec précision les
raisons qui ont été données à l’époque pour supprimer une problématique et/ou
en introduire une autre et en tirer un bilan explicite.
L’acuité de la critique
des maths modernes faites à partir des années 70/75 par le courant
« activiste » est faible car encore trop proche du corpus théorique
de cette conception avec laquelle elle ne rompt pas vraiment : par exemple
la réforme des maths modernes supprime LA notion centrale fondatrice de l’arithmétique
(et donc de la résolution de problèmes), celle de nombre concret. Cette notion, extrêmement riche, est non seulement toujours
hors-programme en 2020, mais est même rendue
impensable dans la logique de la rédaction actuelle des susdits programmes.
À
mon sens, mais cela mérite débat, on peut dire que, sur toutes les questions
essentielles de l’enseignement des mathématiques pour le primaire, les
critiques faites par les réformateurs de 1970 à l’ancienne problématique
« arithmétique » sont toutes au mieux sans valeur et la plupart du
temps pratiquement et structurellement nocives.
Michel
Delord, le 16/02/2020
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Pour l’ambiance inspiratrice, culinaire et décontractée, merci à Babeth, Monique, Pierre, Sophie et Sylvie.
Pour l’ambiance inspiratrice, culinaire et décontractée, merci à Babeth, Monique, Pierre, Sophie et Sylvie.
- NOTES Introduction -
Note 1: Rudolf Bkouche, L'enseignement scientifique entre l'illusion
langagière et l'activisme pédagogique, 1992.
Note 2: Quelques textes du courant de « l’activisme pédagogique »
1982, UK: The Cockcroft Report, Mathematics counts,
1984, FR, Calcul numérique, Commission Permanente de Réflexion sur l’Enseignement
des Mathématiques (COPREM), MEN CRDP Strasbourg Dépôt légal 1987
1999, USA: Principles and
Standards for School Mathematics, National Council of Teachers of
Mathematics (NCTM). https://en.wikipedia.org/wiki/Principles_and_Standards_for_School_Mathematics
2002, FR: L’enseignement des sciences mathématiques,
Rapport de la commission Kahane
2004, UK: Smith Report, Making
Mathematics Count,
2006, USA: Curriculum Focal Points
for Prekindergarten through Grade 8 Mathematics. NCTM
Note 3:
W. Schmidt, R. Houang, and L. Cogan, A coherent Curriculum: The Case of
Mathematics,
in American Educator, Summer 2002, page 2-3.
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Publié sur Twitter, à l'adresse de Charles Torossian :
RépondreSupprimerDans https://micheldelord.blogspot.com/2020/02/le-rapport-torossianvillani-lave-t-il_29.html je dis que la conception qui inspire les 21 mesures « revient à lancer systématiquement les élèves dans des activités diverses et variées sans souci de rattacher ces activités à une pensée systématisée. »
Un exemple de ce bocson : « Eduscol Prim à bord » tout nouveau site recommandé par la mission Torossian / Villani
https://primabord.eduscol.education.fr/maths2020
Comme on peut le constater, l’accueil de maths2020, c’est le bocson. La suite aussi : le minimum - non fait - serait d’indiquer les prérequis pour chaque activité. On pourrait même indiquer la place de l’activité dans une progression. Mais comme il n’y a pas de progressions fournies…. c’est le bocson