samedi 25 novembre 2017

Scoop : Jules Ferry et les calculatrices

Note technique 03a pour la Commission Torossian/Villani
Un petit nouveau qui n’est pas sans rapport avec CQFD :

« Scoop : Jules Ferry et les calculatrices
ou                                 
Enseignement primaire : Calcul écrit, Calcul mental, Arithmomètre »

Il s’agit

I) de contrer, avec quelques documents historiques, la doxa dominante qui affirme
 -  que la question de l’utilisation des calculettes en primaire ne s’est posée qu’à partir de la deuxième partie des années 1970 (c'est-à-dire en gros à partir du moment où sont disponibles à bas coût des calculettes électroniques)
- que « le caractère nouveau » de la présence des calculettes à partir de cette date induit le fait qu’il faut introduire une nouvelle pédagogie du calcul, pédagogie qui était impossible à penser avant cette date et encore plus au XIXème siècle.
- que  cette présence des calculettes dans la société – et dans l’école : mais en ce cas y sont-elles  venues toutes seules ? – induit le fait qu’elles doivent être utilisées, et de plus massivement, à l’école.

 II) de commencer à poser la question « Peut savoir compter … sans savoir compter exactement ? »

III) d’en profiter pour poser deux questions
Question I : Reste donc à traiter un problème récurrent que l’on aperçoit ici en considérant le cas de Jean Martinet qui était incontestablement un grand mathématicien : comment se fait-il que des mathématiciens puissent avancer des positions aussi aberrantes sur l’enseignement primaire et en particulier sur le calcul ?
i) Ma réponse n’est pas de dire : il y a aucun rapport entre les mathématiques et le calcul. Mais je me trompe peut-être.
ii) Cette question n’est pas une question psychologique ou de personnalité et elle doit être traitée avec tout le calme, le tact et la retenue nécessaires, tout en notant bien que ceux qui doivent avoir le maximum de tact et de retenue  sont ceux qui occupent les places les plus hautes dans la hiérarchie.

Question 2 : Si l’on s’intéresse à l’origine sociale – c'est-à-dire extérieure aux mathématiques – du mépris du calcul, est-il sans liens avec le mépris de l’intelligence artisanale ? Or ce mépris triomphe entre 1950 et 1970, juste au moment où le chapitre sur l’intelligence artisanale disparait des cours de psychologie. A ma connaissance le dernier « Que-sais-je? » sur l’intelligence qui mentionne l’intelligence artisanale est ce lui écrit par Gaston Viaud en 1964. Il consacre un chapitre  à « l’intelligence artisanale de l’homme », entre le chapitre précédent qui traite de « l’intelligence pratique de l’enfant » et le suivant qui   traite de « la pensée conceptuelle ».

Bonne lecture. Fichier complet ICI http://micheldelord.info/nt-03a.pdfhttp://micheldelord.info/nt-03a.pdf
 MD

vendredi 17 novembre 2017

CQFD : Comprendre les Questions Fondamentales Disciplinaires

Note technique 02 pour la Commission Villani/Torossian

I) Si l’école primaire doit instruire…
II) Deux thèses des maths modernes
III) La transposition didactique (ou didactisation)
IV) Principe de distance
V) Deux exemples de Questions Fondamentales Disciplinaires
1) Quelques différences entre le calcul sur les nombres purs et le calcul sur les nombres concrets
a) Avant 1970b) Après 1970
2) Le comptage est-il l’ABC du calcul ?
a) Le cas des nombres concrets de 1 à 99 
b) Une argumentation pour le cas des nombres purs de 1 à 99 
c) Une autre argumentation pour le cas des nombres purs de 10 à 99
3) Petites remarques sur les 4 opérations en CP
a)Le programme de CP de 1970 
b) En très bref : Les 4 opérations en CP
i) L’Enseignement simultané du comptage et du calcul 
ii) Ferdinand Buisson et l’article « Calcul intuitif » 
iii) Les critiques de Rémi Brissiaud, Joël Briand et Renaud d’Enfert
VI) Retour sur l’importance de la transposition didactique
1) Le rôle central de la transposition didactique dans la didactique 
2) Le rôle central de la didactique française dans la didactique mondiale
VII) CQFD ?
PS : Intuition et rationalisation / Un ton trop tranchant
*         *          *

Images des maths m’a demandé il y a une dizaine de jours d’écrire un petit texte pour lancer la discussion sur la page « Débat du 18 » et j’ai pensé qu’une contribution traitant du rôle de la Mission Maths Torossian/Villani serait d’actualité. 
Mais comme le texte que j’avais fait était un peu trop long pour permettre de  lancer un débat sur Images des Maths, j'ai fait deux textes qui portent le même nom "CQFD".
 Le texte sur Image des maths correspond en gros aux paragraphes  I) et V-1 de la table des matières supra mais comporte en plus une conclusion qui permet de lancer le débat, conclusion que voici :

"L'histoire tourmentée de l'enseignement des mathématiques en France semble plutôt conforter une vision pessimiste. Pour toute les raisons que l'on vient d'évoquer et bien d'autres, la tâche qui incombe à M. Villani et M. Torossian, responsables de la Mission Maths proposée par le ministre de l’Education,  semble immense  puisqu’elle consiste en rien moins que proposer des orientations qui « donnent aux jeunes le goût des mathématiques » … en trois mois ! Si l’état de l’école  est extrêmement grave, on ne va pas « refonder l’école en trois mois » et, pour reprendre le début de cette lettre il faut éviter avant tout le grand écart que je dénonçais plus haut, y compris dans le rôle que s’assigne cette mission.  Il est manifeste – et c’est logique si la dégradation est ancienne – que- les résistances sont telles que la mission n’arrivera pas à  convaincre de la nécessité d’une rupture suffisante dans un délai imparti aussi court- dans le cas où cette mission avancerait des mesures jugées « trop indépendantes par rapport à l’appareil », celui-ci, qui a déjà l’aptitude naturelle à changer l’or en plomb, montrerait ses capacités paralysantes. 
Dans la mesure où il s’agit d’une question de temps, – le temps de convaincre – une solution ne serait-telle pas  que  la mission pousse au plus loin  son désir de rupture  dans les délais prévus mais qu’elle ne s’arrête pas là. Elle pourrait ainsi recommander dans son rapport final de prendre diverses initiatives qui permettraient d’assurer la continuité de ce qu’elle a commencé à faire : ce peut être, sans que ces propositions s’excluent, la création d’un comité de suivi  et / ou  de propositions dont l’indépendance doit être garantie au maximum, l’organisation de colloques régionaux, espacés mais réguliers permettant une consultation  beaucoup plus large que l’actuelle…
Qu’en pensez-vous ?"

Quand au texte complet, il est accessible ICI


Bonne lecture et bon débat

Le 17 novembre 2017
Michel Delord


mercredi 8 novembre 2017

Enseignement explicite / enseignement implicite, le sens des mots (I)

Note technique 01-a  pour la Commission Villani/Torossian 


Peut-on enseigner dans les classes du primaire – et encore plus dans  ses petites classes –, des notions inspirées de concepts issus de disciplines universitaires comme l’axiomatique et la linguistique ? C’est la grande question qui se pose de manière récurrente depuis les années 60/70 et encore de nos jours comme le montre le débat actuel sur le prédicat. La première réponse apportée dans ce court texte est que, comme la question est mal posée, les réponses sont aberrantes. La deuxième  réponse est que,  si, au lieu de parler d’enseignement en général,  on distingue enseignement implicite et enseignement explicite, on peut commencer à avoir des réponses « qui se tiennent ».  Mais dans ces tentatives de rationalisation, indispensables mais difficiles à doser, il faut toujours  garder en tête la méthode intuitive chère à Ferdinand Buisson  qui est mise en défaut lorsque l’enseignant  fait un raisonnement qui lui semble logique mais qui ne l’est pas pour l’élève. Bonne lecture. MD 

I) Problématique
II) Résolution du dilemme
     i) Enseignement explicite / Enseignement implicite en grammaire
    ii) Enseignement explicite / Enseignement implicite en calcul
III) Conclusions partielles

Texte complet publié sur le site de ToutEduc (ou en pdf  ICI )

La deuxième partie à paraître de la Note technique 1 (la 1b) traitera plus précisément du rapport entre la question des contenus et des  méthodes. MD. 

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dimanche 5 novembre 2017

Le comptage est-il l'ABC du Calcul ? Suivi de quelques digressions sur le comptage, le calcul, l'écriture et la lecture.

Note technique 00-b  pour la Commission Villani/Torossian 

[A l’origine, texte d’appel à une réunion organisée  à Brive(19) le 27 octobre 2015 par la Société scientifique historique et archéologique de la Corrèze .La réunion ne s’est pas tenue … mais le débat reste ouvert. Le 1er septembre 2017. MD

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Le calcul, abc du comptage ?

Le point de départ de cet exposé est l’expression « Compter, l’ABC du Calcul », titre  d’un chapitre du livre faisant autorité sur le sujet, « La bosse des maths » de Stanislas Dehaene, titre maintenu de la première édition de 1995 à la dernière édition complétée de 2010.  La signification de ce titre est tout à fait cohérente non seulement avec l’ensemble du livre mais aussi avec l’opinion dominante sur cette question, qu’elle soit le fait de non spécialistes ou de psychologues ou de didacticiens.  Même si un petit nombre d’auteurs met en cause seulement implicitement cette affirmation, personne ne l’a explicitement critiquée. Le bon sens ne dit-il pas : Puisque les opérations portent sur les nombres, la connaissance des nombres ne doit-elle pas précéder celle du calcul et donc des opérations ? Quand peut-on dire que le comptage est l'abc du calcul, ou, au contraire, que le calcul est l’abc du comptage ? 

 Digressions

Au moment où le débat sur les méthodes de *lecture* se perpétue ne vaudrait-il pas mieux s’intéresser à l'écriture pour comprendre la lecture surtout s'il est vrai, comme le disait James Guillaume que « [l'] on ne peut lire que ce qui a été écrit » ?

L'écriture du français, et non la langue française, est phonique, c'est-à-dire qu’elle code du son et non du sens, et parmi les écritures phoniques, elle est fondamentalement alphabétique et non syllabique. La méthode d’apprentissage de l’écriture  du français doit donc être phonique et alphabétique et ne peut donc être ni idéographique – c'est-à-dire coder du sens –, ni être  syllabique.

Il est donc stupide de penser  qu’une méthode idéographique – comme les méthodes idéovisuelles qui critiquent explicitement le recours au déchiffrage –, puisse prétendre au titre de méthode d’apprentissage de l’écriture du français.

Pourquoi continue-t-on à mettre l’accent sur les méthodes de lecture alors que si on se replace dans le cadre de la problématique de Ferdinand Buisson, la question centrale étant celle de l’écriture, le problème disparait car il n’y a pas de méthode d’écriture « globale » puisque justement une écriture alphabétique se code par définition lettre après lettre.

Mais ceci doit-il  empêcher de considérer que l’apprentissage de la numération écrite en base dix relève d’une méthode idéographique ? Chacun de ses éléments de base, les chiffres, ne codent-ils pas, contrairement aux lettres, du sens ?

Si le comptage n’est pas l’ABC du calcul, serait-il l’ancêtre de l’écriture ? On peut le constater. En ce cas, et si l’on souhaite pour les élèves une vision non unilatérale de l’écriture, est-il judicieux de séparer dans le temps l’enseignement de l’écriture idéographique d’un langage comme celui de la numération et l’enseignement de l’écriture phonique d’une langue comme le français ?

Septembre 2015, Michel Delord

Bibliographie sommaire :

Michel Delord, La Globale et la  Syllabique, 28/01/2005,
Michel Delord,  Apprendre à Lire et à Écrire : de l’importance des différents systèmes d’écriture, 26/03/2012

samedi 4 novembre 2017

" Singapore Math" et "Singapore Math Inc®."

Note technique 00a  pour la Commission Villani/Torossian

Lettre ouverte
- à M. Cédric Villani et Charles Torossian, chargés de mission par le ministre de l’Education nationale   
- à M. Christophe Kerrero, directeur de de cabinet du ministre de l’éducation
- à M. Jean-Marc Huart, directeur général de l’enseignement scolaire
- à M. Stéphane Seuret, président de la SMF
- à Mme Louise Nyssen, chargée des questions d'enseignement au bureau de la SMF, et pour transmission à la Commission Enseignement
- au Groupe de travail  des sociétés savantes, co-animé par Aviva Szpirglas et Philippe Marquet
- à M. Bernard Julia
- à M. Jean-Pierre Demailly, président du GRIP, pour transmission au GRIP
Copies à M. Jean Nemo et Mme Monica Neagoy (La librairie des écoles)

Texte complet (8 pages)
Extraits : ( en gros les deux dernières pages)

En gros les Singapore Maths ont eu comme matrice la première critique – insuffisante –  des maths modernes datant des années 75/85.  A mon sens la vraie rupture ne se place pas dans ces années mais au moment de la rupture des maths modernes (c'est-à-dire les années 60 et début 70). Si cela est vrai cela signifie  que, quelque part, les thèses des Singapore Maths comportent des faiblesses et demandent des modifications : c’est exactement ce que je pensais au moment où j’ai rencontré Madge Goldman en 2004 et je le pense toujours aujourd’hui Et c’est bien parce que je pense que des modifications sont indispensables   – et non par besoin de dénigrer la LDE – que je me suis intéressé supra au degré de liberté dont peuvent jouir ceux des partisans des Singapore maths qui les considèrent comme la moins mauvaise solution mais qui peut encore grandement s’améliorer sur des points fondamentaux. J’ai affirmé plus haut  que la « vraie rupture se  place au moment de la rupture des maths modernes. Je n’ai pas, bien sûr, le temps de développer l’idée ici, mais je voudrais donner deux exemples portant sur des sujets fondamentaux qui montrent la continuité en primaire de 1880 à 1970 (réforme des maths modernes), la rupture en 70 et la continuité de 1970 à maintenant :
- le premier exemple est celui de l’enseignement simultané du comptage et du calcul (qui implique comme point particulier les quatre opérations en CP et même en maternelle parce que, dès que l’on atteint 2 on peut faire des divisons) : on enseigne les 4 opérations en CP en continu de 1882 à 1970 et on ne le fait plus du tout de 1970 à 2017
- le deuxième exemple est celui du rapport entre les mathématiques et la physique : de 1880 à 1970 on a, sous le nom d’arithmétique,  un enseignement combiné des mathématiques et de la physique que ce soit au niveau du calcul (avec le calcul sur les grandeurs et les premières notions de calcul dimensionnel du type : Si tu divises des mètres par des mètres, tu ne trouves pas des mètres) ou de la géométrie puisque le cours commence par la définition de LA verticale et DES horizontales , ce qui fait que l’on est directement dans un espace physique. A partir de 70, on commence la géométrie dans des espaces ponctuels  (là où il y a des points même là où il n’y a rien) et isotropes (c'est-à-dire dans lequel il n’y a aucune direction privilégiée)  ce qui ne facilite vraiment  pas la perception intuitive de l’élève, c’est le moins que l’on puisse en dire. Les grandeurs sont explicitement interdites en 70 et même si le mot grandeur commence à réapparaitre depuis une dizaine d’années, il n’y a pas de cours systématique sur les opérations sur  les grandeurs et lorsqu’ils ne prétendent pas que c’est une erreur grave d’enseigner des choses du type « Si tu divises des mètres par des mètres, tu ne trouves pas des mètres », les manuels et les formateurs n’en parlent pas.
Rétablir l’enseignement simultané du comptage et du calcul ne serait-il pas un objectif souhaitable ? Et, pour le primaire, penser le cours d’arithmétique non comme un cours de mathématiques mais comme un ensemble organisé de connaissances liant les mathématiques et la physique ne serait-il pas également un autre objectif tout aussi souhaitable ?
Je pense que ce sont deux objectifs souhaitables  mais  que les Singapour Maths ne les réalisent pas (…pour le moment ?).
A Cabanac, le 31 octobre 2017
Michel Delord